Pousser la bête à bout.

"Quatre lunes, déjà.


Quatre lunes à se taper les pompes, les abdos, aïe mon bide, la course à pied dans cette putain de forêt où on ne sait toujours pas ce qui vit. Ou plutôt ce qui y survit. L'autre fois, j'aurai même juré voir une saloperie de bestiole avec des défenses de sanglier .. Sans la peau qui va avec. Et ce bruit ignoble. Gerbant.



Quatre lunes à m'apprendre qu'il faut toujours finir un adversaire. Ne jamais laisser sa chance à cet enculé. Le dernier coup, le coup de la vie comme on l'appelle, tu parles d'un nom d'merde, tout ça car il te permet de vivre, à toi. Viser la nuque, les yeux, trancher la gorge si c'est possible. Etre efficace.



Quatre lunes qu'on m'explique comment tenir un poignard, une pique, une pierre tranchante. Comment tirer à l'arc et viser les jambes pour avoir le temps d'achever tranquillement le pauv' mec qui rampe vers toi et le voir vomir son sang à quelques mètres du but. Comment se servir de ses poings pour gagner les quelques instants suffisants à placer un coup léthal, voire à ramasser son arme au sol pour la flanquer dans le bide du connard d'en face. Et tourner. Tourner. Tourner. Puis tirer d'un coup sec et voir la ribambelle de boyaux qui sort de la plaie béante, enrobée dans son jus de bile et de sang noir.



Quatre lunes qu'on me donne faim sans me nourrir.




Quatre putains de lunes que j'attends qu'on me file le premier de la liste. Mon premier trophée. Celui qui trônera sur le toit de ma cahute pourrie. Ma petite fierté à moi. Mon bébé. Je l'attacherai avec amour, il tombera jamais. Tout le monde le verra, et on viendra me féliciter tous les jours pour mon bébé.




Putain, j'ai hâte .."

Sa meilleure élève.

KZ leur en avait fait voir de toutes les couleurs, faut dire qu'il appréciait moyennement qu'on lui confie une bande de bleus, lui qui avait combattu côte à côte avec les meilleurs combattants d'Arkham. "La rançon de la gloire", se disait-il à chaque fois qu'un de ces mal dégrossis aux joues roses lui demandait combien d'hommes il avait tués, ou de raconter comment c'était là-bas au Sud-Est, près du fleuve, quand ça avait vraiment bardé avec les Spartiates.
Il ne répondait pas, se contentant de déclarer la pause terminée, et ils se remettaient en rang tandis qu'il leur inculquait une nouvelle manière de tuer.
Il avait hâte de reprendre la route. Son truc c'était la piste et le désert, l'attente et la chasse. Il faudrait qu'il en prenne un ou deux parmi ceux-là pour leur faire voir ce que c'était vraiment, de survivre à l'extérieur. Bande de bleus...

Elle, elle était différente, il l'avait senti tout de suite à leur première rencontre. Elle en voulait. A travers son hébétitude chimique, il percevait la rage. C'était une survivante, comme lui.
Alors qu'ils les avaient fait combattre par deux, elle avait surpris son adversaire en frappant là où il fallait, dans les couilles sans chercher à comprendre. Lui, encore une grande gueule qui en avait fait des tonnes pour l'impressionner, s'était lamentablement laissé avoir, et tandis qu'il glissait à terre terrassé par la douleur, elle lui avait sauté sur le dos, et lui avait vicieusement raclé la figure avec une poignée de cailloux, arrachant des cris de douleur à sa victime. Il avait fait cesser le combat et envoyé le gars en sang à l'infirmerie, tandis qu'il engueulait la petite et lui infligeait une série de pompes supplémentaire.
Il ne pouvait pas tolérer ça de ses élèves.

Mais il était fier d'elle.