Initiation Zero

L’histoire prend la forme de récits de scènes du voyage d’Igor Patakraouzec entrecoupées d’extrait de son carnet de voyage. Une dizaine de feuillets jaunis par l’humidité vaguement accrochés entre eux sous une couverture en lambeau.
Igor avait profité de son voyage avec Kazed pour apprendre la langue que parlent la plupart des habitants du désert, la rédaction du carnet coïncide avec sa maîtrise de l’écriture, environ une semaine après le départ de Ground Zéro. Les raisons qui l’ont poussées à écrire ce journal de bord sont obscures, certains disent qu’il voulait marquer l’histoire, d’autre qu’il avait exploité toutes les facettes de la masturbation et manquait d’activité. La vérité est entre les deux, c’est certain.
94eme lune 8eme jour.

Libre, putain ! Libre !
Déjà une semaine que Kazed et moi avons foutu le camp de Ground Zero, une semaine à prendre mon pied sur une vieille pirogue rafistolée à la tôle ! Une semaine au grand air, à pêcher de la poiscaille pendant que Kazed rame et à me taper des queues pendant que la poiscaille mord. Vraiment le panard !
En tout cas cette pt’ite balade m’a fait entraver un truc, c’est que rien n’est plus bandant au monde que d’être la ou je suis. Isolé, autonome, complètement libre, sans personne pour me donner des ordres, juste l’autre connard qui partage le repas, si c’est ça que les glands de l’Arkham appellent l’anarchie ben mon neveu j’en suis !

Grand moment de la littérature post crash en effet…
Quelques jours plus tard, il arriva une étonnante aventure à notre protagoniste. Après avoir passé de longues heures à lutter contre une mer déchainée, Igor s’était accoudé au bastingage histoire de souffler un peu. C’est à ce moment qu’un charmant individu fit une arrivée providentielle. Du haut de ses 15 centimètres, il se posa sur le plancher de la pirogue, et, rouge gorge de son état, tapa joyeusement le chansonnette. Son arrivée inopinée amusa le slave, il attrapa son baluchon, y sélectionna la miche de pain la moins moisie qu’il avait et en jeta quelques miettes à l’oiseau. Et tandis que l’oiseau s’approchait timidement, il engagea la conversation :
« Allez camarade piaf, c’est l’heure du casse d’al, tournée générale aux frais de la princesse ! » L’oiseau piailla avec une légère indifférence et entamma son repas.
« Toi aussi t’es un aventurier camarade, tu voles ou tu veux, tu bouffe à pas d’heure, ça doit être le panard de vivre comme ça ! » (Notons tout de même la grande force symbolique de l’oiseau dans cette idée de liberté et d’autonomie dans la nature. Ne mâchons pas nos mots : celui qui a écrit ça est un génie, mais revenons à nos oiseaux.)
« Ca te dirait de tailler un bout de route avec le camarade Igor ? Je te mitonne un petit nid douillet dans un coin du rafiot, tu vas voir on va bien se fendre la pêche.» L’oiseau opina du chef, du moins c’est l’impression qu’en tira le bolchevique
« Bon si tu veux faire parti de ma bande, il te faut un grade et un blaze d’enfer, tu seras le caporal John Piafotsky. » Sur ce, Igor retourna vaquer à ses occupations tandis que l’oiseau terminait son repas.


Les jours suivant se passèrent sans encombre, la mer était calme et le climat assez doux. Le caporal John Piafotsky continua à visiter Igor, et ceux pendant des laps de temps de plus en plus longs, quant au Slave, il continuait à noter dans son carnet des remarques assez banales sur ses activités routinières, le climat ou le paysage côtier, une note écrite le 6eme jour de la 95eme lune, pendant un bivouac dans les marais, fait cependant exception par une légère originalité.


95eme lune 6eme jour

La situation devient carrément intenable sur cette pirogue de mes deux, pas une gonzesse en vue depuis le départ, pas la moindre biche, chèvre ou lapine sur qui faire passer mes envies, 3 mois que j’ai pas fourrer je vais dev’nir barge. Bon c’est décidé, j’vais pas tenir un mois de plus à me faire des tendinites à coup de branlette, va falloir faire comme pendant l’internement au goulag : dans l’anus! On va évacuer ça à coup de pétage de rondelle que ça va faire du bien. Et puis ça veut pas dire que j’en suis, hein ! C’est plus une tradition dans la marine, je suis sur que l’autre enflure sera partant…
Il referma son carnet et rejoint Kazed assit de l’autre coté du marais.

Les marais. Les maraudeurs ont accosté sur une langue de terre putride et humide pour y passer la nuit. L'air est moite. La nuit commence à tomber, et les créatures nocturnes qui hantent les lieux sortent de leur tanière, faisant retentir dans l'obscurité leurs cris d'amour et d'agonie.

Kazed mange en silence, alimentant le feu de camp de temps en temps.
Igor s'est rapproché de lui, l'oeil hagard. Il a ôté son t-shirt, et pose une main sur l'épaule du slave. Celui-ci tourne la tête vers son compagnon, et le laisse faire.
Le ruskoff déglutit, sa voix est rauque lorsqu'il parle.

- Ca fait des lunes que j'ai pas baisé... on pourrait... tu sais ? Se rendre service quoi.

KZ ne réagit pas. La main d'Igor descend sur son torse, lui flatte les pectoraux.

- Tu me fais le cul, et après c'est mon tour, d'accord ?

Pour toute réponse, le slave se redresse, et commence à ôter sa parka en souriant.
Igor s'empresse de retirer son pantalon de treillis.

- Putain j'ai une de ces gaules !

Il ne voit pas le coup venir. La rangeo du slave vient le cueillir sèchement sous le menton, sa mâchoire se referme sur sa langue et il tombe à la renverse.

- Merde ! Espèce d'enfoiré tu fais quoi là !?
- Relève-toi. C'est l'heure de la leçon.

KZ est en position de combat. Igor se relève, crachant un long filet de sang.

- Tu m'as pris pour une petite pute serbe ? Hein ruskoff !?

Le deuxième coup le prend encore au dépourvu. Le slave s'est coulé au sol, et dans le même mouvement sa jambe vient faucher celles de son adversaire qui s'écrase dans la fange putride.

- Relève-toi. Leçon n°1 : ne demande jamais.

Igor se redresse, en position défensive.

- Arrête espèce de taré ! C'est bon maintenant, j'ai pigé !

Le poing file vers sa tête, mais cette fois-ci il pare le coup avec l'avant-bras.

- Ne demande jamais rien. Ce que tu veux, tu dois te battre pour l'obtenir. Allez viens ! Viens m'en mettre plein la gueule, enculeur de cadavres ! Viens me baiser !

Le ruskoff lui envoie son poing dans la gueule, KZ n'esquive pas. Un autre coup au ventre, puis un deuxième en pleine figure, qui fend la lèvre inférieure.
Le slave recule, toujours souriant .

- T'es en rogne pas vrai ? Allez, montre-moi ce que t'as dans le bide ! Leçon n°2 : ce que tu ne peux pas avoir, tu peux le détruire pour l'obtenir.

Igor enchaîne les coups, KZ encaisse. Le ruskoff sent la rage l'envahir tandis que le visage de son adversaire se couvre de sang et de bleus. Il frappe, et frappe encore, sans retenue,
Après quelques minutes de ce traitement, KZ est par terre, la gueule en sang.
Igor halète, et peine à retrouver son souffle tandis que le slave se redresse encore. Cet enfoiré ricane doucement.

- Bien... Ah ah ! Tu m'as salement dérouillé... Leçon n°3... tous les moyens sont bons pour vaincre.

Le ruskoff n'a pas le temps de réagir : son nez éclate sous le direct du gauche du géant slave. Il se poste en défense, mais KZ lui envoie son pied dans le ventre, lui coupant la respiration.
Un autre coup de poing vient lui fracasser la tempe. La douleur jaillit dans son crâne et il perd pied. Il est fauché, s'écroule à terre. Les coups de rangeos lui martèlent les côtes. Quelquechose se brise dans sa poitrine,
Il essaye de ramper, mais un genou vient le clouer au sol. Le slave pèse de tout son poids sur son dos, et l'immobilise. Il agrippe ses cheveux et lui tire la tête en arrière. Une méchante lame s'applique en travers de sa gorge.

- Tu es mort, fils de rien. Mais tu vas revivre.

Trois coups précis. Un Z sanglant apparaît sur le front du ruskoff. Il crie.

- Reste avec moi, tu ne voudrais pas rater le moment le plus important de ta non-vie ?

Le géant slave le retourne, et s'accroupit sur sa poitrine pour l'empêcher de bouger.
Igor le voit tendre la main vers le feu de camp, et en retirer un brandon au bout incandescent. De l'autre, il lui immobilise la tête.
Il ferme les yeux tandis que son vainqueur lui applique la braise sur le Z dont il vient de le marquer.
La chair grésille, il hurle pendant que le slave s'applique. La douleur est intolérable, mais son tortionnaire poursuit son ouvrage.

- Ressens la douleur, fils de rien ! Ne cherche pas à la maîtriser et vis la pleinement !

Il a hurlé, et hurlé encore, mais il a fini par abdiquer,
A la fin KZ s'est relevé, et lui a versé une gourde d'eau sur le visage, diluant le sang, les cendres et les scories qui le recouvrent.
La plaie cautérisée est moche à voir, et la scarification a pris la couleur du charbon. Elle ne partira jamais.

- Bienvenue dans le monde des vivants, soldat zéro.

Un peu plus tard; à des kilomètres de là, au creux de l'épaisse forêt qui entoure l'Arkham ...


"Haaaa .... Haaa.... Ha ...."


A genoux sur le sol humide, les yeux emplis de larmes, le visage déformé d'un abominable masque tétanisé par la souffrance, Natalya se fait taillader le front au tesson sale par un singulier bonhomme. Le gugus semble y prendre un plaisir manifeste. Son éclat de verre grave dans la chair sans la moindre retenue. S'appliquant à racler méticuleusement, jusqu'à l'os, traçant trois barres rectilignes formant une macabre lettre Z.

La junkie implore, gémit, râle de souffrance, mais ne fuit pas la torture. Ses yeux, les ailes du nez, les pommettes, tout son visage est innondé du sang qui coule lentement des plaies béantes. Ses mains crispés sur l'avant bras de son tortionnaire ne semblent pas pour autant le repousser.


"Haa .. Aaaaah ... Con ... Continue fils de ... fils de pute! ... Ahhhh ..... Pour ... Pour Grand Frère ... Aaah ..... Pu.. Putain, ça fait un mal de ... un mal de chien!!"

Au même endroit que Natalya, mais 5minutes plus tôt se passait la même scène :

Sans hurler, sans fuir mais sans même tenter de résister, Timothy laisse le vieux tesson déchiqueter son front. Le sang coule dans ses yeux qu'il garde ouverts, il veut voir le visage de cette personne qui lui dessine sa future cicatrice qu'il portera fièrement.
Il veut voir la douleur, la voir de très près, la resentir lui souffler dans le cou, rentrer par ses narines pour resortir par ce putain de front qui se fait taillader.
Nom d'une bite cyanosée ça fait super mal, mais qu'est-ce que c'est bon de se sentir revivre, ou plutôt, renaître !

Continuant de regarder la douleur dans les yeux pendant que le Z est quasi fini Timothy commence a trembler, sa respiration devient un râle, ça y est la douleur l'envahit complétement, elle est là, dans tout son corps et elle l'emporte avec lui. Quel pied !

Le tesson quitte le front de l'homme, le Z est tracé, mais il faut cautériser, une voix, lointaine, dicte au bourreau (ou plutôt "au libérateur") quoi faire. Ce dernier se dirige vers un feu de camp où il ramasse des braises à mains nues pour les appliquer fortement sur le front de Timothy.

PUTAIN CA BRULE! SALOPE! AHHH!

Les braises furent retirées de son front, lui laissant tout de même une douleur énorme. C'était terminé, déjà... Il ne l'avouait pas mais il aimait souffrir autant que faire souffrir, la douleur était sa compagne, elle était tout pour lui.
Tombant à 4 pattes, il respirait difficilement et bruyament, pensant à ce Z et tout ce qu'il représentait, à tout ce que sa nouvelle vie et sa nouvelle famille allait lui permettre d'accomplir, il se sentait heureux et fier, malgré cette douleur insupportable qu'il ne voulait pourtant pas laisser partir, touchant régulièrement la cicatrice nouvellement formée afin de réveiller la douleur.

Puis la voix d'homme, toujours aussi lointaine lui ordonna de faire subir à son bourreau le même sort qu'il venait de subir. Il releva le visage vers cette dernière, un large sourire carnassier barrant son visage, ses yeux pervers plongeant dans ceux de la jeune femme.

A ton tour sale garce !

Quand il rentre dans la tente, ce sont trois personnes --si on peut encore les appeler comme tel-- qui l'acceuillent, tous trois le front maculé de sang, et d'une sinistre cicatrice encore fraîche.

Il réalise à peine la signification et l'importance de ce qui se produit, que ce sont trois bêtes sauvages qui se jetent sur lui, le martellant les reins de coups de pieds afin que le chauve se décide enfin à se mettre à terre, non sans avoir cassé un nez au passage d'un coup de poing bien placé...

A peine maîtrisé, une lame s'approche de son front, encore imprégnée du sang de la précédente âme libérée... Alors que la lame trace le premier sanglant trait de douleur, une voix lui murmure à l'oreille...

"Règle numéro un : tu ne demandes jamais..."

Zolar est partagé entre l'horreur de la douleur qui lui parcout le front, et l'extase que lui procure ce que signifie cette marque. Dans quelques instants il sera un autre homme, il renaîtra de ses cendres pour devenir dieu sait quoi...

"Règle numéro deux : ce que tu ne peux avoir, tu le détruis."

La douleur que lui prodigue la seconde marque est atroce, mais il ne la remarque même plus, tant il savoure chacun de ces mots...

"Règle numéro trois : tous les moyens sont bons pour vaincre.


Il pense déjà le supplice terminé qu'une effroyable douleur, plus grande que ce qu'il n'avait encore jamais subit jusqu'ici lui parcourt tout le corps. Un morceux de braise incandescente lui brûle alors le front, cicatrisant à jamais la marque de ce qu'il est désormais devenu...

Un cri horrible déchire la nuit, un cri sinistre à peine humain, un mélange de douleur attroce et d'une affreuse renaissance, qui se répend à travers la cité telle une onde de terreur... La faction zéro acceuille un nouveau membre.

Tapi dans l’ombre, toutes canines dehors, le réducteur de tête de Palerme riait sous cape de ce petit tumulte. L’amateurisme prévalait encore, la forme était à revoir. Les méthodes aussi. Mais le potentiel était là et laissait augurer une funeste vague noire sur le désert. Banco.

Un rictus de haine lui déforma les traits quand un tesson de bouteille vint lui déchirer les chairs. Dans le cuir de son front, l’équarisseur bulgare inscrit LA lettre de sang en se jurant de ne jamais laisser la plaie se refermer tant les scories de l’oppression d’avant-crash fouleraient encore le sable du désert.