Le soleil avait atteint son zénith. Le sable s’était mué en braises ardentes. Sur le socle de béton de la station-service, les flaques d’essence s’élevaient au ciel en longues volutes de fumées diaphanes, plaintives.
L’enseigne hors d’âge de la station grinça, se balançant dangereusement. Puis s’immobilisa. Le silence reprit ses droits.
Le taxidermiste du kibboutz passa sa langue sur ses lèvres, essuyant les gouttes de transpiration qui mouchetaient sa barbe naissante. Son polo noir n’était plus qu’une serpillière gorgée de ses humeurs corporelles. Il bouillait. D’un geste lent, presque figé, il exhiba son torse longiligne et hâlé, jeta ses frusques à même le sol.
D’un revers de main, il balaya la sueur qui lui barrait le front. De l’autre main, il saisit le pistolet rouillé de la pompe à essence. S’avança ainsi armé du véhicule, rutilant. Evea venait d’en lustrer les chromes avec sa poitrine rebondie.
Il inséra doucement la longue tige dans le trou béant du buggy. Pressa la gâchette.
Rien.
Le postier sanglant força. Encore et encore. Avec fougue. Intensité. Violence. Toujours rien.
Allongé sur le capot de sa belle américaine, Kendris prenait le soleil dans le plus simple appareil. Le bruit métallique de la pompe le sortit de sa torpeur. Il ouvrit les yeux, lorgna d’un œil avide sur les muscles bandés du pompiste pompeur.
Tariq sourit. Il pouvait sentir le regard impudique de Kendris lécher ses courbes. Il croisa le regard de la brute. Perçu son émoi. Alors il s’approcha, plus près. Puis plus près. Toujours plus près.
***
Un bruit sourd de fin du monde vrombit dans les entrailles du sol. Tout se mit à vibrer. De violentes saccades zébrèrent l’air environnant. Le caoutchouc du tuyau d’alimentation se gonfla, se raidit. Dans une explosion rauque, le pistolet cracha un flot de liquide translucide et âcre.