Tranches de vie maritimes.

Copyraït : [Ulrich] [Arthur]

Ulrich marche sur la lagune depuis un bon moment déjà. L'embarcation ne ressemble maintenant plus qu'à une forme vague sur la mer bleue.
Les rafales de vent ne l'aident pas à avancer. Bien au contraire. Il lutte contre les éléments dans un décors de rêve.
Mer à gauche, mer à droite, et plage de sable fin partout. Et lui au milieu. Tout seul. Comme un con. Et la langue de terre qui s'étend à perte de vue vers le nord ouest. Il lui semble même qu'elle s'élargie.
Peut-être une île?
Demain sera un autre jour...

La nuit tombe. Ulrich se roule en boule dans le sable. Ca gratte mais c'est encore chaud de la journée. Tellement agréable. Il s'endort sans prendre la peine d'allumer un feu.
Le fait qu'Arthur ne le puisse pas le voir ne lui traverse même pas l'esprit...

Arthur longe la plage depuis des heures à la recherche des traces d'un feu de camp. Rien. Des morceaux de ferraille, de plastique, des maisons en ruine, de rares animaux, une forme qui bouge dans le sable... un gros animal au pelage brun. Mais...

"Mais qu'est-ce qu'il fout dans le sable ?
ULRIIIIICH !"

Le cuisinier se lève, manquant faire chavirer la pirogue. Puis il se rassoit, saisit sa pagaie et vient accoster sur la plage.

"Debout matelot ! On a un monde à découvrir !"

***

Les deux hommes sont maintenant en pleine mer, lorsqu'apparait à l'horizon nord la forme sombre d'une montagne. Un mirage ? Arthur n'a pas le temps de faire un commentaire qu'un bruit mou se fait entendre à l'avant du bateau. Une chose à la dérive a heurté la coque. Un corps.

[J'ai un doute sur qui a écrit quoi... Uly si tu as gardé une trace ça m'intéresse...]

Il est parfois plaisant de rencontrer de nouvelles têtes. Mais quand la nouvelle tête en question surgit des profondeurs, à l'audace de cogner une embarcation et de foutre une sacrée trouille à l'équipage, le premier contact peut être difficile.

Quelques cris fusent. La plupart sont émis par Ulrich, sur une note un peu trop haute par rapport à son sexe. Le reste des cris est composé de jurons culinaires et de rappels à l'ordre. Arthur est très en forme ce matin...

L'aventure continue.

...
Une île! Charmante comme tout avec ses petites montagnes et ses plages de sable fin!

"Ce sera l'île du cuisinier! "

La main d'Ulrich lui fait toujours aussi mal. Cette vilaine coupure est complètement infectée. La rougeur s'est étendue jusqu'au coude et le pus suinte.
Et les medicaments ne semblent avoir aucun effet.
Il préfère ne rien dire pour ne pas affoler son compagnon.
Mais il sait qu'il devra lui dire un jour ou l'autre, avant qu'il ne soit trop faible pour marcher et que le fièvre ne lui fasse perdre la raison.

Les corsaires en herbe remontent sur l'Anarchy. Dormir. Encore...

Arthur était contrarié. Uly était rentré bredouille de sa précédente expédition. Il n'avait pu mettre la main sur rien d'autre que des babioles sans intérêt.
Un drapeau jamaïcain et un chandelier à sept branches.
Un regard noir suffit. Uly compris qu'il devait se bouger et trouver quelque chose de consistant.

Le voyage précédent l'avait épuisé mais il s'exécuta tout de même. Il repartit en titubant vers la plaine.

Un retourna au même endroit et se mit à la tâche. Une vieille glacière trainait au milieu d'un amas d'immondices qui avait dû être un terrain de camping. Des corps brulé un peu partout, couverts par une fine pellicule de cendres. Pourquoi camper si loin de tout?
Une boite d'Actapulgite en solution buvable. Un demi-sachet d'Oxacilline. Voila qui devrait faire l'affaire...
Et un petit pot de safran. Son cuisinier de capitaine allait être content.
Il remercierait les campeurs plus tard.

La fièvre l'avait maintenant complètement gagnée et il frissonnait malgré la chaleur de l'été. Des halos de lumières dansaient devant ses yeux. Il devait revenir au bateau à tout prix.

Il vomi, à genou dans les herbes. L'odeur de plantes mouillées par la rosée lui fit tourner la tête. Il vomi à nouveau.

Revenir au plus vite. Arthur s'occuperait de lui. Il ne sentait plus son bras droit. Sa main avait d'ailleurs prit une couleur violacée des plus inquiétante.

Tout devint noir. Surtout ne pas se diriger vers la lumière. Se fier aux sons plutôt. Les cris. La voie d'Arthur au loin. Très loin. Trop loin...

Quand il revint à lui, il était allongé dans la pirogue. Arthur penché sur lui, le regard inquiet. D'une voix rauque, Uly murmura en désignant son bras :

"Coupe. Au dessus du poignet surtout. Je vais pas m'en tirer sinon... Nettoie bien après. "

Et il s'évanoui de nouveau...

Inquiet de l'aspect fiévreux de son compagnon, Arthur surveillait depuis plusieurs lunes déjà le comportement d'Ulrich. Rien trouvé la dernière lune ? Mmmmh. Il avait plutôt dû s'endormir d'épuisement. Et cette habitude qu'il avait pris de cacher sa main dans de la toile... Aujourd'hui Arthur se sentait coupable de n'avoir rien remarqué. De n'avoir pas réagi. Il avait trouvé le jeune homme dans le sable, sa besace pleine d'herbes et de pilules cette fois. Brûlant, délirant, sa main surinfectée, il pouvait mourir d'un instant à l'autre sous ce soleil de plomb. Arthur l'avait vite trainé à l'ombre de la bache qui sert de voile à la pirogue, puis l'avait aspergé d'eau, provoquant son réveil.

"Coupe." Il en avait de bonnes. Le cuisinier n'avait pas pour habitude de découper des morceaux d'êtres humains. Encore moins vivants. "Coupe." Il avait tué, pour ça oui, des poulets des renards des chacals. Des boeufs même, dans l'abri. Tué rapidement, sans se soucier du reste. Mais opérer... il ne pourrait jamais. Oui mais Ulrich va mourir ! "Coupe." Sa main violacée est difforme. Elle suppure, semble prête à éclater. Quel idiot. Je n'ai rien vu. "Coupe."

"Coupe."

Prenant le sabre d'abordage, il commence à essuyer la rouille et l'aiguiser avec ce qu'il trouve, puis allume un feu avec tout le bois qui devait les réchauffer cette nuit. La lame est bientôt rouge. L'eau bout.
Allez,du courage, on fait ça proprement, comme pour un jambon, un coup net, sans hésitation, qui tranche l'os sans le briser, comme aux abbatoirs, il y a si longtemps. "Coupe." Les yeux humides, transpirant, il lève la lame... puis la rabaisse. Non, il me faut les idées claires, et la vision nette. Arthur repose le sabre dans les braises, s'essuie les yeux, les mains, boit une gorgée d'eau, et reprends la poignée de l'arme d'une main ferme. "Coupe." C'est ça ou la mort. Il tient le bras de son ami avec sa main gauche, celle à qui il manque déjà deux doigts, lève à nouveau la lame, serre les dents...

Un cri.
Insupportable, paralysant. Presque bestial. Mais que seules deux personnes sont là pour entendre dans un coin de monde ignoré de tous. Des oiseaux de mer s'envolent, puis se reposent, curieux, regardant dans la direction du campement.

Ce sang, tout ce sang... les animaux morts ne perdent pas autant de sang. Arthur reste quelques secondes debout, la main coupée dans la sienne, à regarder le bras secoué de spasmes de son ami. Le jeune homme s'est réveillé pour hurler, puis a reperdu connaissance. L'odeur de chair brûlée... si différente et pourtant si proche de celle qu'il fait griller d'habitude. Une brûlure à la cuisse le fait sursauter, il laisse tomber le sabre au sol. Il n'y a pas de temps à perdre mon gros ! Le linge qu'il a mis à bouillir, le lacet d'un des gants de boxe trouvés il y a quelques lunes. Vite. Un bandage. Serré.

Quelques minutes plus tard les deux hommes sont endormis, épuisés. Des mouettes téméraires se disputent un morceau de viande dans le sable.

[Lune 106]

Alors que le soleil se couche, Ulrich rejoint enfin le campement. Bizarrement Arthur n'est pas en train de cuisiner.

Ulrich s'approche du petit homme. Accroupi près du feu, il lui tourne le dos.
Son corps est agité de spasmes, il semble penché sur quelque chose. En le coutournant, il assiste atterré à cette scène pathétique. Arthur, son couteau à la main, se fait de profondes entailles sur l'avant-bras en riant. A quelques mètres, sa radio git en morceaux sur le sable.

Et Graciella ! J'oubliais la belle Graciellaaaaa. Et Valkyrie aussiiii. Et le petit Sveeeen. Voilà je crois que nous sommes au complet. Je ne peux pas prendre plus de monde de toute façon.

Tournant enfin la tête, il s'avise de la présence de son compagnon. Il arbore un grand sourire, mais son regard halluciné et son visage baigné de larmes ne laissent pas de doute sur son état : le pauvre est devenu fou de chagrin

Ulrich ! Tu n'es pas mort ! Il ne manquait plus que toi. L'équipage est au complet, nous pouvons y aller. En avant PKO Navy !

Se lève, puis s'écroule. Sept coupures parallèles sur son bras saignent abondamment.
Oulà...