Petite leçon de cuisine...

Ce matin, lorsque Samantha se leva, elle était sereine. Elle sentait qu’elle avait fait le bon choix en allant à la « rencontre » d’Emeline l’autre soir. Certes, ayant entendu toutes sortes de choses effrayantes sur la chef des Dolls, elle n’avait pas pu se défaire de ce sentiment angoissant qui montait en elle chaque fois où la rouquine ouvrait la bouche pour émettre tantôt un mot, tantôt un grognement, mais elle savait pertinemment qu’il ne fallait pas se montrer faible devant elle. Alors, elle s’était présentée à elle avec assurance (sans trop en faire, bien évidemment, afin qu’Emeline vit que son intention n’était point de s’imposer face à elle), sérénité et sincérité. Tout à sa surprise, Emeline ne l’avait pas traité avec dédain et, fut même « agréable » (si l’on peut utiliser tel mot pour qualifier son attitude…). Elle lui présenta Ema et envisagea la possibilité que la jolie hispanique puisse faire du baby-sitting pour elle. Confier Ema à quelqu’un était une réelle preuve de la confiance qu’Emeline avait en cette personne… Samantha ne prenait donc pas cette suggestion à la légère. Depuis ce soir-là, la relation des deux femmes du groupe avait quelque peu évolué. Dorénavant, les matins, à la place d’un grognement, il arrivait à Emeline de lui dire « Salut » et, ses « phrases » télégraphiques furent remplacées par des phrases « Sujet verbe Complément ». En effet, c’était peu, cependant, de la part d’Emeline, c’était un changement notable. Aujourd’hui, Samantha ne craignait plus Emeline, elle connaissait les règles à respecter : ne pas marcher sur ses plates bandes, ne pas trop lui parler, obéir à ses ordres… Alors la belle les respectait pour ne point voir s’abattre sur elle la colère de la furie rousse.
Un petit vent frais fit danser la chevelure de Samantha, la faisant sortir de ses pensées. Elle aimait, et avait d’ailleurs toujours aimé, la manière dont une simple petite brise faisait frissonner son corps tout entier. Toutefois, elle se couvrit quelque peu : l’arrivée de l’hiver se faisait sentir et les médicaments se faisaient rare… il aurait été dommage qu’elle tombât malade.
La brunette était la seule levée au campement… à vrai dire, elle en avait l’habitude, elle avait toujours été très matinale. Un mal de crâne rappela à Samantha que, la veille, Emeline leur avait annoncé à tous très joyeusement qu’Arkham était en vue… et, qu’indubitablement, ils avaient fêté cette nouvelle. La jeune femme alla s’asseoir à quelques pas du campement. En effet, au loin, elle pouvait apercevoir ce qui lui semblait être les remparts entourant Arkham, au milieu d’une dense forêt. Elle avait hâte de franchir les portes de cette ville dont on lui avait fait les louanges : un paradis anarchique. Et puis, avec l’hiver qui se profilait, elle serait certainement mieux là-bas, au chaud. Un gargouillement tira Samantha de ses rêveries : son ventre la ramenait à la réalité. De bonne humeur, la jeune femme décida de faire profiter de ses talents culinaires à tous ses compagnons. La veille, ils avaient attrapé un chien de prairie qui errait non loin du campement. Samantha alla prendre sa lance, et dépeça soigneusement la bête. Elle garda la peau, elle pourrait certainement avoir une utilité : sac, couverture, vêtement,… ils verraient bien ce qu’ils en feraient. Après n’avoir gardé que la chaire la plus tendre et mis de côté tout ce qui pouvait être réutilisable, la cuisinière alla fouiller dans son sac et en sortit pleins de petits sachets remplis d’épices, quelques pommes de terre qu’Emeline lui avait donné et une vieille casserole rouillée. Elle alla aussi chercher de l’eau. Samantha posa son matériel près du feu et commença son œuvre en mettant quelques bout de viande dans la casserole, lorsqu’un bruit l’interpella : très certainement réveillée par son remue-ménage, Emeline l’observait d’un regard étrange, ne comprenant pas trop ce que la jeune hispanique était en train de faire. Captant cette incompréhension, Samantha l’interpella.

*B’jour Emeline. Je me suis réveillée avec une horrible faim, j’me suis dit que ce serait sûrement votre cas à tous alors jsuis en train de préparer la bête qu’on a attrapé hier. Euh, oui, oui, c’est les ptits cubes rouges. Euh comment ça ? Ah non, comme tu vois je l’ai pas embroché avec ma lance et mis à rôtir sur le feu. Ca ? Qu’est-ce que c’est ? Une casserole… hmm… pour préparer à manger. J’ai une drôle de façon d’me nourrir, ah oui ? Faut pas être sceptique comme ça… tu verras après avoir goûté.*

Samantha adressa un clin d’œil à Emeline et se remis au travail. D’abord, elle écrasa les pommes de terre, tout en gardant un œil amusé sur Emeline, intriguée, qui tournait autour d’elle pour l’observer, tout en faisant semblant de faire autre chose.

*Tu sais, je peux t’apprendre quelques trucs si tu veux… Ah, c’est Ema que ça intéresse, pas toi. Si tu peux venir avec elle pour qu’elle voit ? Bien sûr, vous êtes les bienvenues.*

Emeline vint s’installer avec Ema aux côtés de Samantha. Elle leur expliqua comment elle avait dépecé la bête, coupé la chaire la plus tendre en sortes de cubes et elle leur montra comment elle écrasait les pommes de terre.

*Tu veux le faire avec Ema peut-être ? Elle comprendra mieux si elle le fait. Oui, c’est bien, comme ça, doucement pour faire attention de pas perdre la moitié de la pomme de terre par terre. Oui, au dessus de la casserole.*

Emeline avait l’air d’une enfant, les yeux illuminés par ce qu’elle découvrait. Mais elle ressemblait dans le même temps à une mère, elle expliquait tendrement à Ema comment bien faire la chose tout en écrasant les pommes de terre dans ses fines mains. Elle qui d’ordinaire était si dure mettait un grand soin à accomplir cette activité. Samantha était amusée par cette double personnalité qui caractérisait cette femme. Quelqu’un s’approcha derrière les trois filles du groupe, certainement interpellé par cette réunion matinale, c’était Kuruc. Il demanda s’il pouvait rester pour observer et Samantha acquiesca par un hochement de tête accompagné d’un sourire.

*Alors maintenant, que tu as écrasé les pommes de terre et que tu les as mises dans la casserole avec la viande qui a cuit, tu mets un peu d’eau avec. Oui, voilà comme ça, il faut pas qu’il y ait trop. Et maintenant on va assaisonner. Assaisonner oui. Mettre des épices, du sel, du poivre tout ça quoi. *

Dans le regard d’Emeline, Samantha comprit qu’en ce moment elle était une extraterrestre pour elle. Elle avait appris l’art de la cuisine de sa grand-mère, qui lui avait montré comment marier les aliments, mélanger les saveurs afin d’émoustiller les papilles. Avant de décéder, elle lui avait légué tout son petit matériel. Ces épices, cette casserole, c’était tout ce qui lui restait d’elle. Samantha mis dans la main d’Emeline du poivre, du sel, des herbes de Provence, et autres épices que la jeune femme lançait joyeusement dans la casserole. Pendant que la préparation cuisait à feu doux, Emeline ré expliquait à Ema chaque étape de la recette et Kuruc, qui s’étais assis auprès d’elles, écoutait avec autant d’attention que la poupée. Entre temps, le reste de la troupe s’était levé, et s’était rapproché du feu, humant les bonnes odeurs qui se dégageaient de la casserole. La cuisinière se leva et alla chercher des petites planches de bois que le groupe possédait pour qu’ils s’en servent comme assiettes.

*Ah ! Voila c’est prêt ! A table tout le monde !*

Emeline avait observé l’étrange manège de Samantha avec attention. C’était une jeune femme curieuse, consciente de ses lacunes sur d’innombrable sujets et très désireuse de les combler.

Alors qu’elle attrapait de grande poignée de viande et de pommes de terres, elle se remémora sa plus tendre enfance et réalisa qu’on ne lui avait jamais montré comment cuisiner. C’était pourtant une activité basique qu’elle confondait avec la chasse. Pour elle le plus gros du travail consistait à attraper l’animal/ l’homme et à le tuer proprement. Il suffisait ensuite de traîner la carcasse jusqu’au village, d’enlever les os, de faire cuire le tout au dessus d’un feu. (Souvent en hiver quand elle avait trop faim c’était une étape de la préparation qu’elle sautait) puis de dévorer l’amas de viande ainsi obtenu.

Elle n’avait pas beaucoup vairé son régime alimentaire depuis, même si il lui était déjà arrivé de goûter des plats un peu plus raffinés.
Lors de ses expériences trop rare, elle avait prit conscience de son problème d’alimentation et que sa mère lui avait caché de nombreux enseignements. Ca ne lui avait pas forcément manqué, elle avait appris à se débrouiller sans ou même à faire autrement. Mais maintenant qu’elle côtoyait d’autres personnes possédant un éventail de connaissance bien plus large que ses maigres capacités de survie, elle voulait se mettre à leur niveau.

C’est donc avec un enthousiasme plutôt inédit qu’elle accueillit la leçon de Samantha. Elle ne voulait pas que sa chère petite fille soit aussi stupide qu’elle et ne sache rien préparer de mieux qu’un vague cadavre dépecé.
La leçon fut au dessus de ses espérances et Samantha lui expliqua tout avec une patience d’ange.
Emeline dévora son assiette très rapidement ! Comme nous l’avons vu elle n’avait pas l’occasion de manger ainsi tous les jours. Elle fit ensuite semblant de donner la béquée à sa poupée pendant plus d’une heure puis elle annonça fièrement :

- Quel festin, on dirait que la petite a apprécié aussi. Pourtant en général elle n'aime que ce que je lui fait!

Les autres membres du groupe semblent assez d’accord avec Ema la poupée et sa belle maman et tout le monde félicite Samantha pour ce bon repas inattendu

Par contre la rouquine au sale caractère ne prend pas la peine d’aller remercier son professeur. Elle part remballer ses affaires rapidement et annonce le départ dans 15 minutes !

- Il est temps d’y aller. Arkham me manque, on sera mieux là bas !

Elle fixe Samantha du regard et un sourire se dessine sur son visage. Oui elle trouvera un moyen de la remercier plus tard quand ils seront en ville. Elle trouvera quelque chose. Mais pour l’instant elle garde son air froid et disant et va aider ses hommes à démonter le bivouac