Depuis plusieurs lunes, le taxidermiste de Bora Bora n’était que l’ombre de lui-même. De larges cernes balafraient ses joues creuses. Il semblait se traîner, s’éssouflait très vite dès lors qu’il entreprenait le moindre effort physique. Il n’était que peu loquace, et sa libido semblait en chute libre. Certes, il avait fait des avances au beau Velkro…mais sans réelle conviction sodomite. Ses proches, Kam en premier, commençaient à craindre pour sa santé. Pour sa vie, même.
Qu’arrivait-il au sombre tringleur du Sussex, jadis tant en verve et si peu avare de propositions indécentes ? Son départ pour Ground Zero, la perle de la mer du sud, avait-elle empiété sur son moral ? La proximité du beau Gouranga, son fantasme ébène de toujours, lui manquait-elle à ce point ?
Que nenni.
La vérité est toute autre. C’est que, lorsque la journée de dur labeur se terminait pour les activistes du chantier naval, elle commençait pour notre bougre. Lorsque les lumières des feux de camps s’estompaient, quand les ronflements sourds commençaient à couvrir le ressac des vagues, Tariq sortait avec une délectation sacerdotale son organe viril avant d’entamer une nuit de masturbation frénétique. Avec une précaution quasi-mystique, l’étrangleur du Burkina recueillait sa divine semence dans une grande bouteille en verre glauque, jadis magnum d’un coûteux champagne, ce vin mousseux qui fût avant le crash un des talismans capitaliste.
Mais pourquoi Tariq, d’ordinaire si peu porté sur la pudeur, et si prompt à exhiber aux yeux du monde ses plaisirs solitaire, agissait-il de la sorte ? Etait-il soudain frappé par le remord ? Devenait-il un peu humain ? Non, lecteur, tu as tout faux. Tu ne connais pas Tariq, alors inutile de te perdre en conjectures hasardeuse. L’heure de vérité approche, soit patient.
Le boucher de Ouagadougou s’était encore levé tard ce jour. La fatigue causée par ses épanchements nocturne le clouait au lit jusqu’à tard dans l’après-midi. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il s’empara de sa bouteille désormais gorgée de liquide séminal en train de tourner à l’aigre, puis se dirigea d’un pas décidé vers les ateliers.
Arrivé sur place, il s’assura que l’embarcation était enfin terminée. Les artisans, Velkro et Kam en tête, y apportaient les dernières retouches. Alors, les yeux rougis, le souffle rauque, le tortionnaire moldave leva son magnum et le lanca sur la pirogue de toutes les forces qui lui restaient.
Le verre explosa, dans un bruit cristallin mêlé d’un son de sussions visqueuse. Le produite de sa chaire vola alentours, aspergeant allègrement l’assistance.
« Hum…pirogue, te voilà baptisée…puisses-tu toujours nous amener à bon port, Dard des mers…hum ».