Tout ce que l'on distingue de cette silhouette voilée de plusieurs couches de fines étoffes jadis colorées, aujourd'hui fanées et brulées par le soleil est le masque de bronze qui cache son visage. Son regard sombre est d'une rare intensité, souvent fixe au point de déranger ses interlocuteurs.
Sa voix posée invite au calme, à la reflexion. Elle est colorée d'un léger accent indeterminé.
"Je me souviens des miens, tous dévorés par le Desert.
Il nous nourissait pourtant, nous et nos bêtes, depuis tant de générations.
Les caravanes allaient et venaient, les troupeaux ornés de femelles gravides grandissaient au fil du Voyage.
Puis les rencontres furent de plus en plus nombreuses, de plus en plus violentes. Ceux qui ne conaissaient rien au Desert le foulaient en masses, perdus au milieu d'un grand Vide que leur esprit étroit n'arrivait pas à appréhender. Leurs os dessechés devinrent d'ephémères points de repères pour nous autres caravaniers, avant que le sable ne recouvre les charniers et que l'oubli finisse son oeuvre.
Les bêtes moururent: la soif car les puits se tarissaient, la faim car les oasis de mon enfance étaient réduites à des amas de buissons secs et morts, les maladies inconnues car les temps changeaient et la fièvre qui fait saigner les gencives et les brulûres du feu invisible prirent leur lot de victimes.
Les membres de la Caravane se dispersèrent et cedèrent : certains se perdirent dans le Fract, d'autres virent la famine et les attaques répétées des pillards affamés emmener les leurs.
Il ne reste plus que moi.
La solitude est le prix de la survie."